Tout cela se passe dans le cadre d'une réjouissante opération d'échanges de contenus : les Vases communicants.
Le principe des Vases communicants est très simple : “le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.”
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Voilà. Anne Savelli écrit donc ici.Et moi, j'écris sur son blog, Fenêtres open space. >>> Pour toujours, le pendant du voyage qu'elle entreprend ci-dessous…
Ah oui, pour info, pour ces Vases communicants, nous avons décidé, par jeu, d’explorer les espaces qu’il y a entre nos deux chez nous (nous n’habitons pas très loin l’un de l’autre)…
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À L’OREILLE
(JOUR ET NUIT DU QUARTIER SENSIBLE)
On part, tu vois, et c'est la
nuit. Il suffit de quatre ou cinq mètres entre Bolivar et Moreau pour qu'une pleine journée
apparaisse, les avenues au carrefour croisent le jour et la nuit et ça ne m'étonne
pas, dans la circulation les heures ici s'inversent
à quatre heures du matin devant
la cité rouge il est quatre heures de l'après-midi.
(là tu ne les vois pas mais
ils hurlent la nuit avant c'était plus fort leurs insultes entraient dans mes
rêves)
(acheté à la boutique
du pilote, je
dispose désormais d'un casque antibruit tout ce qu'il y a de robuste et de
professionnel)
sémaphore est mon nom de nuit
là
ainsi
face à face
et l'étage du dessous hurle
également, généralement attend que ceux de la cité soient calmés pour s'y
mettre
(nous avons bifurqué, sommes
passés sur la gauche, rue des Chaufourniers, mais n'y resterons pas)
(chacun préfère montrer ce
qui, dans le quartier, fait tourisme, plutôt que)
(ajoute les sirènes)
la cité rouge est rouge sauf
cette partie-là, aux balcons de granit, façade poussée tard dans le dos des
Trente glorieuses.
la cité rouge est belle, que
voici
(au pied de l'arbre un
dépotoir mais tu vois j'ai coupé, censure)
(ce matin je l'ai vu : un tas
derrière la grille, un petit tas de rien qui semble avoir une place, désormais)
donc ce qui fait tourisme c'est
le siège
du PC et sa bulle Niemeyer qu'on appelle coupole qu'ici on dit boule
blanche, la boule blanche et l'on parle
du rôdeur aux enfants de Col Fab.
Le métro, le quartier se nomment
tous deux Col Fab même si le café à l'angle s'appelle Chez Fabien.
(ce n'est pas chez Fabien que
boivent ces trois hommes mais au café d'en face, cité rouge et boule blanche,
on pourrait y aller si ça te dit un jour, voilà que se dessine l'idée d'être
voisins)
Chez Fabien si tu regardes tu le trouveras au fond, derrière la
colonne, mais ici peu importe. Ce qui compte, c'est la roulotte du marchand de
bonbons.
Ce qui compte ce n'est pas le
marchand, ni sa roulotte ou ses bonbons (sachets rayés rose et blanc cependant)
mais l'homme qui se tient debout à côté. Inutile de le chercher : il n'apparaît
pas sur l'image. Mais c'est ici son lieu, là où il n'attend rien et peut rester
des heures, entre le sens interdit et le groupe qui traverse.
Pas là non plus mon Irlandais.
(tant mieux pour lui)
(ou alors assis, seul là-bas,
sous l'abribus ? Ça lui arrive parfois quand il neige ou il pleut)
Bon, avançons.
(je ne suis pas du tout
d'accord avec la phrase inscrite sur la vitrine de la bibliothèque)
Allons, pressons.
Sur le boulevard de la Villette
en direction de Belleville, nous suivons l'homme en gabardine. Les dizaines de
prostituées chinoises qui en mai 2008, au moment de la Street Car, n'y étaient
pas, demeurent là tout le jour. Mères de famille qui ont les études des gosses à
l'autre bout de la terre à finir de payer et à qui l'on a dit qu'à Paris elles
feraient serveuses, couturières, quoi encore, sont : sur les places, sur les
bancs, les rebords.
2008 en Street Car trouve là ses
limites : pas de capture du boulevard.
(ci-joint, l'autre côté)
(il faut que ces femmes soient
présentes, totalement, dans ce creux)
Et voici les Folies. On ne
s'attarde pas, cachés dans l'arrière-salle.
On ne s'attarde pas ou l'on reste
cent ans c'est du pareil au même.
On avance dit-il, dit un autre voisin qui est un homme en route et
vit tout près d'ici. On dépasse l'impasse. Les boutiques, noms, étals,
flashent.
(je m'attache avant de mourir,
chaque point du monde m'importe)
(j'habitais déjà là quand
cette photo a été prise)
(je ne sais toujours rien de
toi)
De chez moi à chez toi comment
nommer ce trajet qui navigue en
l'an 2008, mois de mai dont je ne vois plus rien ?
De chez toi à chez moi ce n'est
vraiment pas loin, on s'est peut-être croisés, je ne connais pas ton visage. Je
ne connais, Dreamlands, que ce mot-là, Dreamlands, qui résonne à l'oreille, ton prénom et ton nom,
maintenant ton adresse, tu aurais pu te trouver au bout du monde
voici le bout du monde