La tour Eiffel - Winnipeg

3243e jour - Drôle d’idée que de nommer “LA TOUR EIFFEL” un immeuble même pas remarquablement haut (à peine cinq étages).
Drôle d’idée de remplacer l’enseigne – anciennement rouge, toute en pleins et déliés) par une insipide typo “bâton”.

 

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Dénouement - Winnipeg

1099e jour - Finalement, ce matin, elle a rappelé. Je savais que c'était elle. J'ai hésité avant de décrocher.
Elle a dit : C'est Sheryl, ta passagère de la semaine dernière. Je voulais te remercier. Et aussi…… Je voulais te dire que j'éprouve des sentiments sensiblement proches des tiens.
Moi : C'est à dire ?
Elle : Je t'ai vu à la sortie du Salisbury. Ou plutôt, c'est ma sœur qui t'a repéré. Avant de prendre son service, elle m'a glissé à l'oreille : c'est bizarre, il y a un type qui s'est caché derrière un arbre quand il nous a aperçu. Je crois bien que c'est de toi qu'il se cachait… Alors, je suis ressortie. Et j'ai reconnu ta voiture sur le parking. J'ai reconnu ta silhouette au volant. Il faut dire que j'avais eu le temps de te voir de dos durant notre traversée… Je voulais venir vers toi mais tu as démarré…… Je voulais te dire…… Ce type, avec lequel tu m'as vue. C'est un ex. Cela fait trois ans que nous nous sommes séparés. C'est un peu comme un frère pour moi. Pas un amant. Je suis rentrée moi aussi……
J'aimerais bien qu'on se voit.

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Deux heures perdues à Winnipeg

1098e jour - Évidemment, tout ne s'est pas passé comme prévu.
Pour faire simple : le restaurant, lui, je l'ai trouvé facilement (Sheryl en avait fait une description suffisamment précise). Il était 17 heures. J'ai décidé d'y boire un verre.
Une fois à l'intérieur, j'ai eu beau guetter, observer, je n'ai pas trouvé la sœur de Sheryl – c'était sensé être une petite brune et il n'y avait que des grandes blondes.
J'ai attendu, espérant à chacune des entrées mais il n'y avait pas grande affluence.
Puis, alors que je m’étais perdu depuis quelques minutes dans la contemplation des eaux de la Red River, une migraine s'est abattue sur moi, soudaine.
Cela faisait bientôt deux heures que j'étais là. Ennui plus migraine… J'ai décidé de faire un tour, chercher, par exemple, une chambre au cas où…
Je pourrais toujours revenir plus tard.
Je suis donc sorti. Le soleil était rasant – pénible avec une migraine. Mais il y a eu plus pénible encore : tout à coup, à une cinquantaine de mètres devant moi, j'ai vu Sheryl qui avançait au bras d'un homme. Ils étaient suivis d'un autre couple – la sœur de Sheryl et son mec. Tout le monde souriait.
Je me suis caché derrière un arbre.
J'ai attendu qu'ils soient entrés. Et puis, j'ai couru. Jusqu’à la voiture.

•

J'ai farfouillé dans la boîte à gants à la recherche de paracétamol. J'en ai avalé deux comprimés. Et puis j'ai démarré. Mieux valait quitter Winnipeg.
Je me sentais con. Crétin. Pathétique.
Voilà.

•

Deux jours plus tard – je venais juste de rentrer au bercail –, mon téléphone a sonné alors que je dormais, épuisé par la route. Je n'ai pas eu la force de décrocher.
C'était Sheryl. Elle a laissé un message que, plus tard, j'ai écouté. Elle disait qu'elle avait réussi à avoir mon numéro par un ami d'ami. Elle voulait savoir si j'allais bien. Elle disait que je lui manquais.
C'était il y a une petite semaine. Je n'ai toujours pas rappelé.

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Sur la route (entre Fargo et Winnipeg)

1097e jour - La vérité, c'est que j'aurais dû oublier Sheryl. Seulement voilà : il y avait eu son ventre contre mon ventre à la gare routière. Et son regard à ce moment là.
Alors, quand j'ai aperçu un panneau “Winnipeg” à la sortie de la ville, je me suis dit que je pouvais changer mes plans. On était vendredi. Je ne reprenais le boulot que le mercredi suivant. J'avais largement le temps d'une petite virée de l'autre côté de la frontière – c'était à peine un détour : Winnipeg n'est situé qu'à 350 km de Fargo.

Et donc, à nouveau, j'ai roulé.
Interstate – une ligne droite posée sur un plan, avec au milieu un poste frontière.
À Winnipeg, Sheryl devait dormir chez sa sœur qui, m'avait-elle dit, travaillait dans un restaurant posé sur la Red River. Elle m'avait décrit les lieux.
Le restaurant serait facile à trouver. Quant à la sœur, peut-être arriverais-je à la reconnaître. Je lui laisserais alors mon numéro de téléphone, pour qu'elle le file à Sheryl, pour que celle-ci sache que j'étais en ville (j'espérais avoir le courage de faire cela).

Ou mieux encore : peut-être que Sheryl, elle-même, serait présente (en salle ou au bar ; les deux scénarios avaient leur charme). Quelle tête ferait-elle en me voyant ? Bien sûr, je me le demandais.

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