Il est des villes qui donnent envie de rêver des histoires. Hamilton, en Ontario, est de celles-là. Peut-être à cause de l’extrême proximité de certaines zones résidentielles avec les usines d’une industrie visiblement lourde. Cela donne à l’espace urbain un côté irréel – on croirait un décors conçu pour une photo de Gregory Crewdson ou mieux encore pour une série télé écrite par David Lynch.
Un îlot, à ce titre, est particulièrement épatant, limité au Sud par Beach Road et au Nord par Whitfield Avenue.
On y découvre, au hasard des pérégrinations, une fillette en maillot de bain bleu et trottinette qui s’arrête, plusieurs images durant, pour discuter avec un Chet Baker démuni et trouble que d’aucun pourraient croire menaçant pour elle – sur une autre image, plus tard, on la verra – sauve ! – rentrer chez elle à quelques maisons de là.
Ou alors trois demoiselles – les héroïnes de notre histoire – qui bronzent sur le toit de leur véranda. L’image est d’autant plus saisissante que l’on repère, observant de plus près, un drapeau serbe devant la maison (on apprendra bientôt qu’environ 8 % des immigrants dans les années 1990 ont déclaré la Yougoslavie comme pays de naissance) mais aussi un fauteuil roulant rangé à proximité de la porte d’entrée dont on se demande forcément s’il appartient à une des trois filles et, si oui, alors comment celle-ci s’est hissée jusqu’au toit.
Poursuivant la balade, on passe devant l’atelier d’un Facteur Cheval local (un des personnages de notre intrigue à n’en pas douter).
On se laisse surprendre par deux paniers de basket contigus (on se dit qu’il faudra les intégrer à l’intrigue).
Et puis, tôt ou tard, on finit par tomber sur des voies ferrées. Elles mènent tout droit jusqu’à un des complexes industriels. Des pipelines, des cheminées, des hauts-fourneaux…
Des maisons, se demande-t-on, que perçoit-on du bruit des machines ?