vendredi 23 décembre 2016

Retour à Kotelnitch



1864e jour - Si je suis venu à Kotelnitch, c’est à cause d’un film que je rangerais sans hésiter parmi les dix films qui m’ont le plus ému. Le film, c’est Retour à Kotelnitch d’Emmanuel Carrère.
Pierre Murat dans Télérama, février 2004 :
C'est à contrecoeur qu'il s'était rendu à Kotelnitch, petite ville du fin fond de la Russie. Un magazine, Télérama en l'occurrence, l'avait envoyé pour un reportage sur un vieil Hongrois qui venait d'émerger d'entre les morts, après cinquante-cinq ans passés dans un hôpital psychiatrique. Là, il avait rencontré Ania. Elle parlait français et chantait des romances russes. Elle était amoureuse d'un mec de l'ex-KGB local. Elle lui avait raconté des bobards sur le Hongrois ressuscité. Intrigué, il était revenu, un an et demi plus tard, avec la vague idée de la revoir pour un documentaire. Déception. La Mata Hari de province qu'il avait imaginée était devenue une jeune maman très ordinaire. Alors, il avait filmé des gares, des gens qui attendaient un mystérieux train venu de Chine. Il avait beaucoup bu et un peu dansé. Ou l'inverse. Et il s'en était retourné en France. Cinq mois après, Ania et son bébé avaient été assassinés. Massacrés à la hache par un fou. Alors, pour la troisième fois, en compagnie du même interprète et du même cameraman, le romancier Emmanuel Carrère décide de revenir à Kotelnitch : le quarantième jour qui suit la disparition d'un être cher, les orthodoxes prient et festoient. Dans ses bagages, Carrère apporte à la mère et au mari des photos et des bouts de films où l'on voit Ania et son fils. Qu'attend-il de ce troisième séjour ? Emotion et recueillement. Mais rien ne se passe comme prévu. Comme dans une pièce de Pirandello, les personnages prennent le pouvoir avec leur exubérance, leur fureur, leur hystérie. Incontrôlables.



Ce film, c’est donc ça : une histoire insensée et tristement tragique. Mon émotion, bien sûr, est en partie dictée par la funeste destinée d’Ania mais pas seulement. Si personnes et paysages m’émeuvent particulièrement c’est parce qu’ils me parlent ; qu’ils parlent d’un monde que je sais mien même si je suis engagé depuis longtemps dans une vie qui se déroule loin de l’Oural : je viens d’une certaine façon de là. Mes origines sont slaves, la mère d’Ania me fait immanquablement penser à ma grand-mère, les hommes du film me rappellent ceux qui ont été mes oncles. La vérité est que je me sens proche d’eux.

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