lundi 3 février 2014

Un couple - Fukui


1181e jour - C'était un jour de semaine gris et parsemé d’averses. Atsuko avait tenu à me faire visiter ce qu’elle appelait “LE pavillon”, une maison traditionnelle devenue musée.
On devait être autour du 15 novembre, il n’y avait pas un chat.
Nous étions accoudés à une rambarde face au lac quand mon amie raconta : Je devais avoir une douzaine d’années. Nous étions venu ici même avec mes parents. Il n’y avait guère plus de monde qu’aujourd’hui. Parce que je m’ennuyais, j’avais demandé l’autorisation de me promener dans le parc… J’avais fait le tour du lac… Quand je me retournais, j’apercevais mes parents, plongés, studieux, dans la lecture d’un écriteau ou admiratifs devant un vase ou une sculpture… Même si je les savais pas très loin, j’avais un peu l’impression d’être seule au monde – ou plutôt : de les observer d’une autre planète.

Cette impression, je l’ai eu jusqu’à ce que je perçoive des frémissements au-delà d’un arbre. J’ai pensé à un chat. Discrètement, je me suis faufilée pour voir. En fait, c’était un homme et une femme. Ils s’embrassaient. L’homme était appuyé contre le tronc. Une des mains de la femme effectuait de troublants va et vient à hauteur de leurs bassins. Elle était en train de le branler… La queue était en partie masquée par la main, par le corps de la femme. C’était la première fois que je voyais un sexe d’homme en érection. C’était un objet trop abstrait pour que je le comprenne vraiment. Dans mon souvenir, je la voyais seulement comme une masse diffuse. Mais, en même temps, tout mon corps savait qu’on était là dans l’interdit.

Je les ai observés une trentaine de secondes, peut-être une minute. Et puis, par peur qu’ils me surprennent, j’ai rebroussé chemin. Une fois à bonne distance, je me suis mise à courir. J’ai rejoint mes parents…
Alors que nous nous apprêtions à partir, le couple nous a doublé. J’ai piqué un fard. Ils sont passés devant nous le plus naturellement du monde.
Les joues de la femme étaient rosies. Elle souriait. Elle avait l’air heureuse.

Voilà.
Atsuko s’est tu, elle s’est blottie contre mon épaule. Nous sommes restés ainsi une dizaine de minutes. Malgré la fraîcheur de l’air, malgré la pluie.
Plus tard, alors que nous nous promenions le long du lac, j’ai rêvé de proposer à Atsuko de faire comme l’homme et la femme de son souvenir. Mais je n’ai pas trouvé les mots. Je n’ai pas osé.

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