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mercredi 25 mai 2016

Le temps d’une course - Djalalabad

1711e jour - On a traversé la ville. Le chauffeur du taxi, un type sans âge, moustache et crâne dégarni, a commencé à me parler, les yeux rivés au rétroviseur. Dans un anglais quasi parfait. Il m’a expliqué qu’il avait été chercheur. “Dans une autre vie”, s’est-il empressé d’ajouter. Il était dans la physique quantique, spécialiste de l’intrication. Si, si.

Un drôle de truc que l’intrication. Il a tenté d’expliquer. Pour ce que j’en ai compris, des particules peuvent avoir des destins liés bien que distantes l’une de l’autre, réagissant en fonction l’une de l’autre, comme si elles étaient unies par une “action fantôme à distance”. Visiblement, dans son domaine, mon chauffeur était une tête. Il avait un poste dans un institut prestigieux à Moscou. Rien que ça, ce n’est pas commun pour un Khirgize.

Mais sa mère est tombée malade. Il a voulu se rapprocher d’elle pour l’accompagner dans ses derniers instants. Il a trouvé ce boulot de taxi, toujours mieux que rien. Il faut bien vivre… Sa mère, paix à son âme, est morte il y a deux ans. Il aurait pu essayer de retourner à Moscou, tenter de reprendre sa vie d’avant. Mais finalement, il n’en a pas eu la force. Il est resté là. À Djalalabad. Il aime conduire les gens. Pas de sots métiers. Il fait des rencontres le temps d’une course… Mais rares sont ceux, tient-il à me rassurer, avec lesquels il se confie sur son passé.

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