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vendredi 11 juin 2010
La rencontre, chap. 1
C’est une photo de Yannick Vallet. Il l’a choisie.
Nous avons convenu d’un jeu : je suis chargé de retrouver les lieux (à partir de ses souvenirs, il a circonscrit une zone où chercher) et de les explorer – un jour, nous inverserons le processus et c’est lui qui se rendra sur le champ de l’une de mes investigations pour saisir un instant.
Notting Hill, Londres. La façade est celle du 14 Ladbroke Gardens. Le numéro sur la plaque, le dessin des grilles, le motif du carrelage du perron… Tout correspond. Le bâtiment n’a pas changé.
Le cabriolet, quant à lui, c’était prévisible, s’est volatilisé.
Juste à côté, au n°12-13, un chantier de rénovation bat son plein. Un camion débordant de gravats stationne devant l’entrée. Observant de plus près, on découvre un des ouvriers qui se change à même la chaussée face à la cabine du camion. Il pensait être tranquille et voilà que la Terre entière maintenant est susceptible de le voir en chaussettes et caleçon.
En partant du 14 Ladbroke Gardens, je déambule.
Peu de gens dans les rues. Tout semble propre, entretenu. Il est tentant, du coup, de relever plutôt les aspérités, les accidents qui viennent rompre avec le charme suranné et lisse du quartier.
Des sacs poubelles qui gisent au sol, en tas, loin de tout container – la ville de Londres en est-elle dépourvue ?
Une pancarte à moitié arrachée, ou alors un téléviseur abandonné sur le trottoir…
Un vélo cadenassé à une grille, plié, replié à la façon d’une compression de César.
Arundel Gardens. Je crois reconnaître le cabriolet de la photo sous une bâche. Mais non, ce n’est pas lui : la silhouette sous la toile est bien trop anguleuse. Arrivé au bout de la rue, je décide de revenir vers mon point de départ. Je prend à droite pour remonter par Kensington Park Road.
Je commence à fatiguer.
Je me dis que je vais arrêter là, que le contrat est rempli. C’est alors que je l’aperçois…
C’est bien elle, il n’y a pas de doute : la voiture de la photo. Elle appartient donc, comme je l’espérais secrètement, à un riverain. Je m’approche, fébrile ; je la saisie sous tous les angles.
C’est puéril mais ça me met incroyablement en joie de l’avoir retrouvée. Comme si sa présence dans Street View était la preuve irréfutable que la réalité existe.
L’image de Yannick Vallet, comme bien d’autres, est visible sur le très riche panorama de la photographie contemporaine qu’est Deux ou trois choses, son site.